Le journal d’Abigail • I

/!\ Il est préférable d’avoir lu le tome 1 de A la croisée des rêves avant de lire ce texte /!\
Il n’est pas tiré des livres édités, il s’agit d’un petit « bonus » écrit à mes heures perdues. S’il plait, il pourra y en avoir d’autres ! Ce premier passage du journal d’Abigail prend place juste après le FRAGMENT 12 (Tome 1 – p227). Bonne lecture…

 

23 juillet 1997

Cela faisait trois jours qu’elle ne dormait plus. Trois jours qu’elle était hantée par les fantômes de ses anciens bourreaux. La journée, les visages ensanglantés de ses victimes campaient derrière ses paupières, se superposant à sa vision tels de macabres filigranes. La nuit, lorsque ses pensées daignaient lui accorder un répit, son sommeil se peuplait de cauchemars. Marlon, Daryl, Carl, Lenny et Lexie s’incarnaient, tantôt cadavériques, tantôt spectrales, tantôt surréalistes. Ils la pourchassaient dans une enfilade interminable de décors crochus. Chaque fois, ils parvenaient à l’acculer dans une alcôve. Une antre sombre, froide, inhospitalière. Abigail se recroquevillait sur elle-même, prostrée sous un déluge de pierres oniriques. Une litanie sinistre accompagnait la sentence, portée par les voix entremêlées et déformées de ses bourreaux : « monstre » , « monstre », « démon », « monstre »… et ni ses larmes, ni ses suppliques, ne pouvaient la sauver. La préadolescente n’avait qu’une seule issue à cette malédiction : briser le cocon de ses rêves, se réfugier dans un éveil tortueux…

…jusqu’à cette nuit. Une nuit noire d’encre, où ses démons furent absorbés dans un puit sans fond. Aspirés par le néant. Abigail se trouva alors devant la surface craquelée d’un miroir. Son reflet la dévisageait, en tout point semblable, sauf qu’il ne cillait pas. Ses yeux mordorés étaient deux billes froides, aiguisées, tranchantes.

— Pourquoi tu pleures ?
— Je… je ne…

La jeune fille toucha ses joues, le bout de ses doigts recueillit des perles cristallines. Elle ne s’était pas aperçue que ses larmes coulaient.

— De quoi as-tu peur ? questionna à nouveau le reflet, penchant la tête sur le côté.
— Je… je sais pas…

Abigail baissa les yeux sur ses paumes. Elle les imaginait couvertes de sang, celui de ses bourreaux du collège. Ce geste pulsionnel, presque inconscient, l’avait replongée dans cette angoisse viscérale, chevillée à ses entrailles depuis l’incendie. Cette crainte d’être une créature monstrueuse, que le Mal, personnifié en une chimère terrifiante, ne vienne s’emparer de son âme.

— Tu ne dois pas nier nos pouvoirs. Plus tu les rejettes, plus ils te feront souffrir, lui dit son image.
— Mais… et si à cause d’eux, on… on blesse d’autres personnes ?
— Parfois, on aura pas le choix.

La préadolescente n’était pas certaine de comprendre. Comment se pourrait-il qu’elle n’ait pas le choix ? Bien qu’elle fut immobile face au miroir, son reflet s’anima. Ses bras se tendirent et crevèrent la surface de la glace. Sa peau semblait artificielle, faite de cristaux de verre. Ses mains sans chaleur prirent en étau le visage d’Abigail. Un sourire étrange fendit le minois de sa réplique. Sans joie, carnassier.

— Tu n’as pas à avoir peur du Mal. Tu dois l’embrasser, l’accepter, l’assimiler.

La jeune fille ne bougeait pas, hypnotisée par les prunelles stupéfiantes de son autre elle. Cet alter ego onirique à la voix ensorceleuse avait forcément raison. Après tout, elle logeait dans sa tête.

— Toi et moi, on aura plus peur de rien.

Laisser un commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s